Ce qui se passa à Austin City (eBook)

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Depuis leur tente, les artificiers languissaient d'impatience. Toute une semaine de préparation pour 20 minutes de show… Le chef de tir était assez superstitieux. Aussi repassa-t-il en revue la disposition des mortiers. Il passait dans les rangées, les yeux légèrement écarquillés, en proie à une concentration exceptionnelle. Mais il ne rejoignit jamais son équipe.

— Qui êtes-vous ? dit le chef de tir en direction de l'homme qui se tenait à quelques mètres.

Il braqua sa lampe-torche sur l'inconnu et vit un visage disgracieux et brûlé. L'artificier regarda impuissant le silencieux qu'on pointait sur lui.

Il y eut comme un tir étouffé et son corps s'écrasa sur le gazon... Après quoi, l'inconnu mit un masque à gaz et se dirigea vers les mortiers. Derrière lui, la mer plongée dans la nuit. Devant lui, de l'autre côté du cours d'eau, la foule. Ils étaient nombreux pour voir le feu d'artifice, assis à même l'herbe de la colline.

L'homme au masque plaça dans chaque mortier une boule gélatineuse, au centre de laquelle un petit cube était prisonnier. L'étrange objet glissa le long du tube et vint s'accrocher à la bombe qui se trouvait au fond. Puis il réorienta l'angle de tir.

Trois autres hommes vinrent l'aider à placer les gélatines et réorienter les mortiers.

Dans la salle de tir, chacun était sur sa chaise. Là un homme avait été égorgé. Ici, une femme inerte, une balle dans le crâne... au total, six artificiers assassinés. Et derrière eux, des hommes portant masques à gaz, gants et combinaisons noirs. Ils avaient pris soin de faire reposer les cadavres sur les dossiers de chaise, pour éviter que leur tête ne touche les tableaux de commandes.

Soudain, on entendit des cris et des sifflets d'allégresse. La foule qui s'impatientait de voir le ciel s'embraser... et qui ne se doutait naturellement de rien.

Ils mirent la dernière gélatine dans le dernier mortier puis ce fut la mise à feu. Depuis la salle de tir, on envoya un courant électrique simultané à tous les mortiers. Le courant mit feu aux gouttes explosives qui allumèrent à leur tour les mèches... les mèches consumées atteignirent la charge de poudre... les gaz commencèrent à se répandre et exercer une pression telle qu'ils propulsèrent à peu près en mêmes temps toutes les bombes... Les bombes s'élevèrent dans le ciel à plus de 300 km/h... puis les espolettes prirent feu, allumant à leur tour les charges d'éclatement. 

L'explosion eut lieu à une quarantaine de mètres au-dessus de la foule. Les uns poussèrent quelques cris d'épouvante, puis chacun mit son bras devant son visage, en guise de bouclier. Les cendres et les gaz retombèrent sur la foule en un nuage épais et chaud.